Un procès intenté au nom de 21 enfants accuse le gouvernement américain d’avoir manqué à ses engagements et d’avoir échoué à les protéger des impacts du réchauffement climatique. Si les plaignants gagnent ce procès, le gouvernement fédéral pourrait être contraint par la justice à arrêter ses subventions destinées à aider les acteurs de la filière des énergies fossiles. Rien que ça !
Le contexte de ce procès pas comme les autres
De toutes les affaires qui ont été portées devant les tribunaux fédéraux ces dernières années, aucune n’avait autant de chances de changer notre quotidien que celle de Juliana Vs. USA. Pour citer le juge fédéral qui a analysé ce dossier, « Ce n’est pas un procès ordinaire ». Ce procès qui fait aujourd’hui l’actualité outre-Atlantique a été intenté au nom d’un groupe de 21 enfants américains qui tentent de convaincre le tribunal de suspendre dans un premier temps les aides allouées à l’industrie des énergies fossiles puis, dans un second temps, d’interdire définitivement la production, la commercialisation et l’utilisation des énergies non renouvelables pour protéger l’environnement. En effet, les plaignants arguent que l’Etat soutient une pratique qui cause directement des changements climatiques, met en danger leur avenir et viole leurs droits constitutionnels à la vie, à la liberté et à la propriété. Lorsque la poursuite a commencé, peu de spécialistes l’avaient prise au sérieux. Et pourtant, quatre ans après l’accusation, le procès est toujours d’actualité, et les plaignants ont bénéficié du soutien de politiciens, d’associations et d’experts, constituant ainsi un dossier très solide qui pourrait très bien faire mouche dans un avenir proche.
L’Etat savait depuis au moins 50 ans, sous Lyndon Johnson
L’affaire est née à Eugene, dans l’Oregon, un paradis pour les amoureux de la nature et, surtout, l’un des plus grands berceaux de l’activisme environnemental aux États-Unis. La plaignante principale, Kelsey Juliana, étudiante à l’Université de l’Oregon, n’avait que cinq semaines lorsque ses parents l’ont emmenée à son premier rassemblement pour protéger les chouettes lapones. Aujourd’hui, sa principale préoccupation est le changement climatique, la sécheresse et la menace croissante des feux de forêt dans les monts Cascades environnants. « La saison des feux de forêt a été si intense qu’on nous a conseillé de ne pas sortir. Les particules contenues dans la fumée étaient cette fois-ci hors normes. C’était si grave que c’était au-delà de la gravité, en termes de danger pour la santé », explique Kelsey Juliana. Ce discours n’est pas seulement appuyé par les activistes. Même le gouvernement fédéral reconnaît maintenant dans sa réponse à la poursuite que les effets des changements climatiques se produisent déjà et risquent de s’aggraver, surtout pour les jeunes qui devront y faire face à long terme.
Les plaignants ont été recrutés par Julia Olson, avocate dans l’Oregon et directrice générale d’une ONG appelée « Our Children’s Trust », auprès de groupes d’activistes environnementaux à travers tout le pays. Il y a huit ans, elle a commencé à construire le dossier dans son petit bureau, sans s’attendre le moins du monde à un retentissement de cette ampleur. Elle a par exemple dûment documenté ce que les anciennes administrations américaines savaient sur le lien direct entre les combustibles fossiles et les changements climatiques. Elle a également démontré que l’Etat « savait » depuis au moins 50 ans, dans la présidence de Lyndon Johnson.
L’ultimatum de 2050 pourrait très bien forcer la main au gouvernement
Les procédures judiciaires ont obligé le gouvernement à faire des aveux surprenants si l’on en croit les documents déposés devant les tribunaux. Il reconnaît maintenant que l’activité humaine, en particulier les concentrations élevées de gaz à effet de serre, est probablement la principale cause du réchauffement climatique observé depuis le milieu des années 1900. Le gouvernement reconnaît également que les concentrations mondiales de dioxyde de carbone ont atteint des niveaux sans précédent depuis au moins 2,6 millions d’années. Il reconnaît enfin que les changements climatiques augmentent le risque de perte de vie et d’extinction de nombreuses espèces et sont associés à une augmentation du nombre d’ouragans, de tempêtes violentes, des fortes précipitations et des fontes accélérées de la glace, causant ainsi une montée des eaux sans précédents et menaçant les pays « îles » de submersion. Plus récemment, un nouveau document démontre que le gouvernement reconnaît désormais que les effets du changement climatique sur l’agriculture auront des conséquences dramatiques sur la suffisance alimentaire.
La poursuite prétend que les pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement se sont avérés incapables de faire face aux changements climatiques. La plainte soutient donc que le gouvernement a manqué à son obligation de protéger l’air, l’eau, les forêts et le littoral du pays. Et les plaignants demandent aux tribunaux fédéraux d’intervenir et d’obliger le gouvernement à présenter un plan qui permettrait de sevrer le pays des combustibles fossiles d’ici le milieu du siècle.